« A la loupe » (2022)
Les pratiques sportives à Besançon de la deuxième moitié du XIXe au XXe siècle
I. LA PRATIQUE SPORTIVE AVANT LE XIXe SIÈCLE
Le sport loisir apparait seulement au XIXe siècle. Auparavant, la pratique sportive était liée à la vie militaire et était mise en avant lors de spectacles offerts à la population. Elle était donc pratiquée hors de la sphère privée et ne concernait qu'une minorité de la population. Il convient d'évoquer une exception : la danse, liée à la musique et aux rites religieux, pratiquée depuis toujours.
Chez les Grecs, les Jeux olympiques antiques sont organisés à Olympie entre les différentes cités. Le dépassement sportif est mis à l'honneur dans le but de couronner de gloire l'athlète et sa cité. Il existe les épreuves hippiques (courses de chevaux et courses de chars) et pédestres (proches de l'athlétisme : course à pied, lancer de disque, lancer du javelot et lutte).
Chez les Romains, le sport se confond avec le spectacle. Ce sont les jeux du cirque : courses de chevaux, courses de char, athlétisme, boxe, mais aussi jeux scéniques (combats de gladiateurs, combats d'animaux et représentations théâtrales). Plus modestement, sont organisées des fêtes sportives de quartier avec des concours d'athlétisme, de course à pied et de boxe. Pour ce sport-spectacle, des édifices sont spécialement conçus partout dans l'Empire : cirques, arènes, hippodromes et amphithéâtres.
Au Moyen Age, les tournois de chevalerie, substituts à la guerre en tant de paix, mettent en avant le courage, la force et le maniement des armes. Les joutes équestres (charge à la lance entre deux chevaliers) en sont l'épreuve la plus connue, mais on pratique aussi des combats individuels à l'arme. Les enjeux sont symboliques (pour son honneur et sa réputation), économiques (prise des armes et du cheval des vaincus, demande de rançon pour les prisonniers) ou parfois courtois (pour conquérir le cœur d'une Damoiselle). Ces tournois peuvent être de véritables mini-guerres qui réunissent plusieurs milliers de chevaliers, tel celui de Lagny. La reine Catherine de Médicis va cependant les interdire en 1559, suite au décès du roi de France Henri II à l'occasion de l'un de ces ces tournois.
Au Moyen Age et surtout à l'époque moderne, le sport commence à apparaître ailleurs que dans l'armée, notamment comme pratique festive de village. La soule (jeu se rapprochant du handball et du football), les barres (sorte de balle au prisonnier), le croquet, les quilles et le tir à l'arc se pratiquent. La France se couvre également de terrains de jeux de paume, à l'origine du tennis et de la pelote basque, sport vedette entre le XVe et le XVIIIe siècle.
II. LE XIXe SIÈCLE : L'APPARITION DES PREMIÈRES SOCIÉTÉS SPORTIVES
Alors qu'auparavant la pratique sportive restait exceptionnelle, liée à l'entrainement militaire, au spectacle et à l'événement festif, la situation change radicalement au XIXe siècle avec l'apparition des premières associations appelées "sociétés". La pratique du sport devient désormais régulière.
A) La SNB
En France, les premières sociétés sportives apparaissent sous le Second Empire (1851-1870). A Besançon, la Société nautique bisontine (SNB), dite "Cercle Nautique" ou encore "Cercle des canotiers", est la première à voir le jour en 1865. Elle est une des vingt premières sociétés d’aviron en France.
La SNB est créée par cinquante-deux hommes, dont plus de la moitié sont horlogers. Ses buts affichés dans ses statuts sont sportifs, mais pas seulement : sa devise est « musique, sport, loisir ». Elle est très appréciée de la population bisontine car elle organise des fêtes et des concerts sur son bateau (le Vesuntio), des cavalcades, des spectacles dramatiques et des activités charitables comme des kermesses au profit des pauvres dans la ville. Cette société s'installe rapidement à Port-Joint, qui devient leur siège. En 1960, la piscine de Port-Joint ouvre.
B) La gymnastique
Sous la IIIe République (1870-1940), la pratique sportive devient un outil idéologique du pouvoir politique dans la recherche de la revanche contre les Allemands suite à la défaite de 1870. La gymnastique doit former et discipliner le corps robuste de la jeunesse française. Les sociétés de gymnastique se multiplient ainsi à Besançon : la Comtoise (la première, née en 1869), la Fraternelle, la Française, la Patriote du quartier Montrapon ou encore la Vaillante.
Comme le prouvent leurs noms, elles se donnent clairement comme objectif de former de « bons soldats ». Chaque quartier possède sa propre société, entrainant une forte compétition entre elles et entre celles, républicaines et laïques, en tenue rouge, et celles, cléricales, en bleu. Les papiers à en-tête révèlent que le siège social est souvent le café du coin.
De grands rassemblements sont organisés à Chamars, qui devient le lieu des grandes fêtes sportives, ouvert à toute la population. Par exemple, la XVIe fête fédérale de l'Union des sociétés de gymnastique de France, qui s'y déroule en 1890, voit la visite du président de la République française Sadi Carnot.
C) Les autres sociétés sportives
Excepté la SNB, les premières sociétés sportives apparues en France ont une finalité militaire et sont très souvent créées par des soldats. Ainsi à Besançon nait en 1867 la société de tir : elle organise régulièrement des concours de tir à Saint-Ferjeux ouverts à tous, qui s'achèvent par de grands discours patriotiques.
L'apparition des sports de glisse est très précoce à Besançon. Une section du Club alpin français (CAF) y voit le jour dès 1874-1875 et organise de nombreuses sorties à la neige. Il n'y aura toutefois pas de grand champion bisontin de ski.
Le patin à glace apparaît aussi, de façon sauvage : lors des hivers les plus rudes, les Bisontins vont sur le Doubs gelé passer un moment de détente. Sa pratique va réellement se généraliser avec l'ouverture de la patinoire Lafayette en 1993.
Les premières sociétés sportives n'ont longtemps été ouvertes qu'aux hommes, les femmes n'étant acceptées qu'à partir de 1947. Mais Besançon a connu la création précoce (au début des années 1920) du Vesontio Femina (danse rythmique, athlétisme puis basket-ball), société sportive réservée aux femmes.
III. LE TOURNANT : LA LOI WALDECK-ROUSSEAU DE 1901
Cette loi sur les associations marque la naissance du sport loisir, pratiqué librement et régulièrement. Jusque-là, le regroupement d'individus était étroitement contrôlé par le pouvoir et donc rarement autorisé.
Les associations se multiplient alors dans la capitale comtoise et de nouvelles associations et sociétés voient le jour. En 1913, le conseil municipal bisontin en subventionne trente-et-une : douze sportives (prédominance de la gymnastique, mais aussi de la boxe, du cyclisme, de l'athlétisme, du rugby et du football), dix sociétés musicales, etc.
IV. LA DÉMOCRATISATION DE LA PRATIQUE SPORTIVE AU XXe SIÈCLE
Au XXe siècle les congés payés se généralisent à partir de 1936 (Front populaire) et se développe une société de loisirs. La pratique sportive explose, entraînant l'apparition de nouvelles structures publiques.
A) Le Racing club franc-comtois (RCFC)
La première partie du XXe siècle est marquée par la naissance d'associations omnisports de grande envergure, dans lesquelles les sections sportives sont multiples : les sportifs y pratiquent indifféremment plusieurs disciplines.
Le Racing club franc-comtois (RCFC) devient ainsi la société multi-sections par excellence. Dès sa fondation par des militaires en 1904, cette société comprend : athlétisme (lancers de poids, etc.), course à pied, saut à la perche, cyclisme et football-rugby (à leur début, ces deux sports étaient mêlés : les matchs disputés en 1904 par le RCFC l'étaient selon les règles du rugby, avant qu'apparaissent en 1905 des matchs de football). Par la suite, le RCFC ouvre des sections de tennis en 1920, de basket-ball en 1928. Mais ses installations aux Prés-de-Vaux sont très précaires.
Les différentes sections du RCFC sont aujourd'hui autant de clubs indépendants.
B) Présentation de divers sports
FOOTBALL

Le Besançon Racing Club (BRC), actuellement club le plus en vue, est issu du Racing-club franc-comtois (il changea de nom en 1987). Pour résumer brièvement son histoire, la section foot du RCFC était un club professionnel de Deuxième division française de 1945 à 1986. Elle possédait alors son propre centre de formation.
Depuis 1987, le Besançon Racing club est un club amateur, dont le palmarès est seulement d'avoir accédé à la Division 2 en 2003-2004. Il est aujourd'hui en National 3.
HANDBALL
Avant les clubs actuels de l'ESBF (Entente Sportive Bisontine Féminine) et du Grand Besançon Doubs Handball (masculin), il existait le Hand Ball Club Besançon (HBCB). Celui-ci se scinde en 1970 et nait l'Entente Sportive Bisontine (ESB). En 1992, la section masculine et celle féminine sont séparées.
L'ESBF a remporté quatre championnats de France. En 2003, le club réalise un quadruplé encore aujourd'hui inégalé en France : championnat et coupe de France, coupe de la Ligue et coupe d'Europe des vainqueurs de coupe. L'ESBF est le premier club féminin français à gagner une coupe européenne. Avec celui de Metz, ce club a régné sans partage en France entre 1995 et 2005, fournissant la majeure partie des joueuses de l'équipe de France.
La section masculine brille moins que les filles : même si elle a déjà joué quatre années en Première division, elle évolue aujourd'hui en Deuxième division.
BASKET-BALL
C'est une particularité locale : le premier club de basket à Besançon dans les années 1920 fut le Vesontio Femina, club féminin. Puis une section de basket au Racing club franc-comtois (RCFC) nait en 1928. Le grand club de basket local a été le Besançon Basket Comté (BBC), issu du Vesontio Femina et né dans l'après-guerre sous le nom de Vesontio.
Les faits d'armes du BBC : en 1995, il devient champion de Pro B et accède pour la première fois de son histoire à la Pro A, élite du basket français. En 1998, le BBC réussira même à se qualifier pour une coupe européenne. La suite sera plus difficile : entre 2001 et 2009, le club connaîtra quatre relégations en deuxième division. En proie à des problèmes financiers, il est placé en liquidation judiciaire et disparait en 2009. Aujourd'hui, le BesAC, Besançon Avenir Comtois, est le club de basket local le plus populaire.
RUGBY
Autre club phare actuel né du Racing-club Franc-Comtois (RCFC) : l'Olympique de Besançon Rugby, section du RCFC qui a changé de nom en 1944. Les hauts faits de ce club sont d'être monté deux années en Première division : en 1942 et en 1972, avec un triste record en 1972 (l'Olympique perd ses quatorze matchs, dont une défaite 94 à 0 contre Brive). En 2022 le club évolue en division Honneur régional.
CYCLISME
Dans les années 1890, la bicyclette commence à se démocratiser, avec notamment les vélos "Peugeot". C'est une révolution dans la vie quotidienne : des trajets de plusieurs dizaines de kilomètres sont maintenant réalisables quotidiennement, allongeant le bassin de vie et de loisirs de chacun.
Dès le début du XXe siècle, de nombreuses sociétés de cyclisme existent à Besançon : le Vélo-sport-comtois, le Touring-Club et le Cycle-club. Le grand champion bisontin Jean de Gribaldy (1922-1987) est un coureur du début des années 1950. Il doit notamment sa grande réputation à son rôle de directeur sportif et de découvreur de jeunes talents.
BOXE
Une société de boxe est fondée dès le début du XXe siècle : le Boxing-club bisontin. D'autres la suivront. Le grand champion bisontin reste Jean Josselin. Membre du Ring olympique bisontin (créé en 1933 par Raymond Lucas), il devient dans la seconde partie des années 1960 deux fois champion de France et deux fois champion d'Europe (des poids welters). La boxe est alors un sport très populaire : des milliers de Bisontins se déplacent au Kursaal pour assister aux combats.
C) La construction d'équipements spécifiques
Les nombreuses sociétés sportives du début du XXe siècle ne bénéficiant que d'installations très précaires, la municipalité décide de construire un grand stade municipal : le stade vélodrome de la Gibelotte, inauguré en 1939. Il a une capacité de 12 000 places, compte des terrains de football, de rugby, de basket-ball, des courts de tennis, une piste cycliste (d'où son nom de vélodrome, piste détruite en 2002), et des pistes d'athlétisme. En 1959, il est renommé stade Léo Lagrange.
Repères chronologiques :
- En 1958, la piscine de Chalezeule construite par la Ville ouvre 1960 et en 1960 celle du SNB à Port-Joint : c'est un succès populaire immédiat.
- Dans les années 1960 les gouvernements décident d'imposer la réalisation d'installations sportives pour toute nouvelle construction d'établissement scolaire.
- Le Palais des sports ouvre en 1967 et est agrandi en 2005. Désormais, les matchs de handball et de basket notamment sont pratiqués en intérieur.
- La piscine Mallarmé ouvre en 1971.
- A partir de 1976, la Ville crée le complexe sportif de la Malcombe pour compléter les équipements du nouveau quartier de Planoise.
- La patinoire Lafayette est inaugurée en 1993.
- La piscine Lafayette ouvre ses portes en 1998.
A lire également : Les 150 ans du SNB, un « A la loupe » de 2015.
Retour vers la page « A la loupe »
Retour vers la page d'accueil de Mémoire vive