« A la loupe » (2024)
Vues bisontines par Cornu en 1780



La bibliothèque conserve quatre petites estampes, de 9 cm de diamètre, qui sont des vues charmantes de la ville de Besançon, dessinées par Jean-Alexis Cornu et gravées par Mondhare à Paris.
Les vues de la ville au XVIIIe siècle sont rares et encore plus sous cette forme, centrée uniquement sur un bâtiment et dans une vue frontale, avec une perspective minimale. Les vues cavalières ou représentations générales de la ville sont plus fréquentes. Cette étude des bâtiments préfigure le travail des lithographes du XIXe siècle.
A Paris, les Campions frères et fils ont proposé des vues pittoresques des principaux édifices (1787-1789) de la capitale. La Bibliothèque historique de la Ville de Paris expose en ligne un recueil de 86 planches des nouvelles églises et hôtels particuliers néo-classiques.
Cornu et Mondhare ont souhaité transposer cette idée à Besançon. Ces vues présentent les nouveaux bâtiments de la ville, aménagés après la Conquête, pensés par l’intendant Lacoré entre 1760 et 1786 : la Promenade de Chamars, la Chapelle du Refuge (1740) et l’Intendance (1770) construite ou supervisée par l’architecte Nicolas Nicole. Les prouesses architecturales, comme la coupole monumentale du Refuge ou le salon ovale de l’Intendance, sont magnifiées dans ces petites représentations.
Ces estampes rondes sont aquarellées. Les paysages pittoresques sont toujours animés de promeneurs, qui découvrent la vue ou vaquent à leurs occupations. Les Archives départementales du Doubs conservent une aquarelle originale de la Promenade de Chamars avec les vases de Boutry, qui a servi probablement de modèle à la gravure (AD Doubs, 1FI1602).
Il semble qu’il existe aussi des vues de l’Hôpital, de la nouvelle salle des spectacles (le Théâtre Ledoux), peut-être différentes vues de Chamars mais nous ne connaissons pas encore ces estampes, dessinées par Cornu et gravées par Mondhare. Ce petit format pouvait être collé sur des boites rondes en marqueterie de paille, très à la mode à la fin du XVIIIe siècle, ou exposé dans des cadres noirs et présenté au mur comme une fenêtre sur la ville.
Nous n’avons pas connaissance du tirage de ces estampes. Jean-Alexis Cornu l’a probablement financé, à charge pour lui de vendre son travail à Besançon. Si nous connaissons si peu de vues aujourd’hui, il y a probablement eu peu de tirages. Le stock d'invendus a peut-être été détruit ou perdu.
Jean-Alexis Cornu est né dans le Jura, il a fait un tour de France pour apprendre le dessin puis s’est installé quelques années à Besançon pour y enseigner avant de prendre un poste à l’école centrale de Vesoul. Il arrive à Besançon à 26 ans, s’y marie le 30 janvier 1782. Parmi ses témoins de mariage, citons un avocat, Jean Fenouillot, et un architecte, André Attiret.
En 1785, le Sieur Cornu, peintre en mignature (sic), annonce dans le Journal de Franche-Comté une continuation de domicile : il est logé à Besançon rue des Granges.
La Révolution modifie sa clientèle et le goût pour les aménagements dispendieux. En 1790, il grave le portrait du Comte de Narbonne, en garnison à Besançon. Finalement, Jean-Alexis Cornu quitte la ville à cette période et décède en Haute-Saône à 52 ans. En 1914, Georges Blondeau a consacré une notice biographique à cet artiste décédé prématurément (Bulletin de la Salsa, 1917, sur Gallica).
Les petites vues de ville en tondo sont rares. Pour Besançon, le musée du Temps n’en conserve pas de telles. Les autres villes qui se sont aussi beaucoup développées et embellies au XVIIIe siècle ne semblent pas avoir de représentations semblables pour leurs bâtiments.
Certains lecteurs conservent peut-être des gravures aquarellées de Cornu, éditées chez Mondhare à Paris. Nous serions heureux de les connaître pour compléter notre connaissance de ce sujet.
Bérénice Hartwig
Retour vers la page « A la loupe »
Retour vers la page d'accueil de Mémoire vive