Besançon par Abel Monnot (2)
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Chapitre 3 : Saint Jean

« Le 25 février 1729, vers onze heures du matin, le clocher roman de la Cathédrale qui s’élevait un peu à gauche de l’entrée et s’appuyait à l’abside du Saint-Suaire, s’écroula avec un tel fracas que l’on crut en ville à l’explosion d’une poudrière ou à l’effondrement de la citadelle. Dans sa chute, il écrasa la chapelle de du saint Suaire, deux travées de la voûte et l’immense charpente du toit qui recouvrait alors les trois nefs. »
- L'image à la loupe : Restauration de l'église St.-Jean (EST.FC.911)

« Il convenait que le beffroi de la métropole portât le chapeau d’uniforme des clochers comtois »
« On sait le projet que [Monseigneur de Rohan] conçut, une lithographie du temps nous montre, à la place de la chapelle du Saint-Suaire une seconde fois abattue, deux flèches aigues, trois portails gothiques et un escalier monumental dévalant à travers tout un quartier saccagé vers la place ses Jacobins »

Sainte Beuve, « Je le vois encore au début d’une cérémonie pontificale, dans toute sa splendeur d’ornements, presque d’atours, lançant au passage une œillade riante et coquette, parce qu’on lui avait dit que quelques personnes, arrivées de Paris la veille y assistaient. » Monnot ajoute
« Cette bonne pièce de Mme de Boigne insinue que s’il entra au séminaire ce fut moins par désespoir d’avoir perdu sa femme que par dépit de n’avoir pas réussi à la remplacer avantageusement. » [Madame de Boigne : Adèle d’Osmond, mémoire d’une tante.]
« Parmi les parisiens qui le virent officier à Besançon à côté de Sainte-Beuve, ne faut-il pas nommer Stendhal ? En tout cas c’est bien à Rohan que fait penser le jeune evêque d’Agde, de tant de grâce et de politesse, qui dans un malicieux chapitre du roman Le rouge et le Noir, essaye devant son miroir d’acajou des gestes de bénédiction. »
L'image à la loupe : Monument funéraire de Louis-François-Auguste de Rohan-Chabot (EST.FC.917)

« Besançon reprendra dès lors, comme sous l’empire romain, sa fonction de boulevard contre la Germanie. L’heureuse fortune de la France a voulu qu’à un roi entreprenant, à des grands hommes de guerre, aux Condé, aux Turenne, au génie de la conquête fût adjoint le génie de la défense. Louis XIV qui connut plus de revers que Napoléon, ne lâcha à peu près rien grâce à Vauban, de ce qu’il avait conquis. C’est une belle chose, lui écrivait l’ingénieur, de tenir ce qu’on a dans les deux mains. Le fait est que, Besançon pris, Vauban l’assujettit d’une poigne solide et le rendit imprenable. »

La maison Maréchal
« Elle débouche juste devant la maison Maréchal dont l’ornementation précieuse et fleurie contraste avec l’austérité militaire de la porte Rivotte. Bonington sur une page du Voyage dans l’ancienne France de Nodier et Taylor, nous a laissé une lithographie délicatement veloutée de ce logis gothique, la merveille de l’architecture bisontine. Qu’elle n’ait pas été mieux préservée depuis un siècle de la dégradation et du délabrement, c’est un sujet de scandale. A l’exemple du musée arlatan et du musée alsacien de Strasbourg, on rêverait ici d’un musée comtois, en harmonie avec ce délicieux et authentique décor d’autrefois. Ce serait pour la vieille maison une honorable retraite. »
- L'image à la loupe : Vue d'une rue des faubourgs de Besançon (EST.FC.1017 - )
- Un autre A la loupe : Promenade dans les estampes comtoises

Jean Gigoux
« Voilà semble-t-il la forge rougeoyante devant laquelle Gigoux, dans un savoureux petit portrait a campé son père, le forgeron, robuste et malicieux bonhomme, aux manches retroussées, aux yeux vifs, au nez enluminé. Cette ascendance populaire explique tout Gigoux dont le talent est fait surtout d’énergie, d’adresse et de ténacité, qui forgera le succès et la renommée, non pas, comme Courbet, par la sommation impérieuse du génie, mais par la continuité d’un inflexible effort, faisant valoir des dons naturels un peu restreints avec l’opiniâtreté du paysan qui finit par s’enrichir sur un maigre terroir. »

Le marquis du Châtelet
« Ce délicieux ornement est comme la signature de l’architecte sculpteur Gazelot qui, vers 1740, bâtit ce logis pour Ferdinand-François-Florent marquis du Châtelet, le mari même de la belle Emilie. C’était un homme taciturne et débonnaire, au dire de Madame de Graffigny. Je l’imagine dans ce beau salon lambrissé où les fenêtres entr’ouvertes laissent entrer par bouffées les sonneries des casernes voisines : il se promène à petit pas, consulte une carte, prend un livre et parfois songe à ce lointain château de Cirey où la docte Mme du Châtelet et son hôte Voltaire abritent, parmi les sphères et les cornues, leurs travaux et leurs amours. Sans regret, sans amertume, plein de commisération pour un ami en proie à une femme savante, ce mari philosophe digère sa disgrâce comme une délivrance. »
Abel Monnot confond deux cousins Florent Claude du Châtelet mari d'Emilie, propriétaire de Cirey et Ferdinand-François-Florent du Châtelet qui était le seigneur occupant du logis bisontin.

Victor Hugo
« On aime que Victor Hugo soit né en cet endroit, malgré le goût douteux de la plaque de bronze qui en porte témoignage. Faut-il reprocher à Besançon de revendiquer avec trop d’emphase la gloire d’une naissance due simplement, dit-on, au hasard d’une affectation régimentaire ? Né d’un père lorrain, d’une mère vendéenne, cet enfant n’a rien reçu, semble-t-il, d’une ville qu’il quitta à peine âgé de six semaines. (…) D’écho en écho, de rythme en rythme, de rumeur en rumeur, qui sait si ce prodigieux génie ne remontait pas jusqu’aux sonneries de clairon et au pas cadencé des troupes sur les pavés de sa ville natale, martiales sonorités qui bercèrent avec rudesse son sommeil d’enfant ? »

Porte noire
« De tous les droits régaliens qu’exerçaient les archevêques de Besançon nul ne leur valait plus d’honneur et de profit que celui de battre monnaie. » « Le bras de saint Etienne qui figuraient sur leur face les faisait appeler estevenantes. Parfois au lieu de la croix, figurait l’image sommaire de la Porte Noire, comme on peut la voir… conservé au médailler de la Bibliothèque municipale. Toute frustre et grossière que cette pièce puisse paraître à un numismate, elle n’en est pas moins infiniment précieuse et incite à la méditation. »
Et le nom que prit au XVIe siècle la rue de la Vieille-Monnaie atteste moins l’exercice que la déchéance d’une prérogative dont les archevêques s’étaient montrés si orgueilleusement jaloux. »
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