Ce portail est conçu pour être utilisé sur les navigateurs Chrome, Firefox, Safari et Edge. Pour une expérience optimale, nous vous invitons à utiliser l'un de ces navigateurs.
COURBET, les lettres cachées...

... l’histoire d’un trésor retrouvé

Courbet, les lettres cachées...

Une pile de « vieux papiers » dans un grenier… mais un contenu à faire chavirer les esprits les plus sages !  La Bibliothèque municipale de Besançon lève le voile sur une découverte exceptionnelle : une correspondance inédite et passionnée entre le peintre Gustave Courbet et une aventurière parisienne, Mathilde Carly de Svazzema.

Sur les 116 lettres conservées, 36 ont été sélectionnées pour retracer l’histoire de la relation épistolaire complexe entre ces deux personnages.

Échangées entre novembre 1872 et avril 1873, les lettres de Gustave et Mathilde sont restées secrètes pendant près de 150 ans en raison de leur caractère sexuel explicite. Au-delà de cet aspect, ces missives révèlent un Gustave Courbet jusqu’alors inconnu, à la croisée de l’art et du fantasme, entre réalisme et idéal, offrant aux chercheurs et aux amateurs une matière fascinante.

BMB Ms Z 907

Novembre : Une inconnue prénommée Mathilde

Source gallica.bnf.fr/Bibliothèque de l'INHA/coll. J. Doucet

Depuis Paris une jeune inconnue écrit en novembre 1872 à Gustave Courbet, à Ornans, où il est réfugié depuis mai. Elle s’appelle Mathilde Carly de Svazzema, se dit « tout aussi libre que l'air et aussi indépendante que l'Amérique en personne. »

Contre toute attente, le peintre répond, sans doute flatté. Qui plus est, Mathilde invoque « le grand, le beau, le sublime » amour.

Elle compatit aux peines de Gustave, l’invite à se confier, ce qu’il fait. Elle se livre à lui en victime d’un monde qui lui fait horreur ; frappée, comme lui-même, par le malheur, mais indifférente à l’argent.

Mathilde essaie de satisfaire sa curiosité : il voudrait qu’elle lui envoie son portrait photographique, car il ne l’a jamais vue. Dans un premier temps, lorsqu’il lui demande de lui dévoiler son intimité, elle conserve une réticence à se décrire :

« Je veux bien ne pas être ce qu'on appelle bégueule mais ne puis cependant me mettre à nu et me détailler moi-même en des points essentiellement délicats ! ».

Mais Gustave est appâté.

Le portrait de Mathilde sur Gallica

Décembre : Gustave, un peintre tourmenté

BMB Yc. Portrait. Courbet

Gustave aime les femmes, et il aime les peindre. Dans ses lettres à Mathilde il s’enflamme rapidement, en des termes très osés. Elle répond au-delà de ses espérances, il a trouvé une maîtresse presque idéale, qu’il peut former à sa guise.

Mais, séparés par la distance, ils vivent une histoire d’amour par correspondance car, par crainte du scandale, il ne peut la faire venir à Ornans. 

Et puis Gustave lui-même sait-il ce qu’il veut ?

« Écoute Mathilde, tu es agaçante avec ton idéalisme, je maintiens que pour tout le monde notre correspondance est idéaliste et ce que je redoute très fort c’est que la réalité soit inférieure à notre correspondance, c’est pour cela que je reste le plus longtemps que je peux dans les préliminaires, car c’est autant de gagné sur la réalité ennemie. »

La réalité, pour lui, ce sont des tourments de toutes sortes, de santé, d’amour, d’argent et de famille. Le pire, peut-être, est qu’il n’arrive pas à peindre, alors qu’il doit honorer une importante commande de tableaux pour le 31 décembre. Et la situation va s’aggraver.

Janvier : L’ombre de la colonne Vendôme

BMB 67235

Gustave apprend dans le journal Le Siècle du 10 janvier 1873 que des députés veulent lui faire payer le rétablissement de la colonne Vendôme. Au détour de fantasmes sexuels, il l’annonce à Mathilde :

« Tout cela est bien bon ma bonne putain, mais voici le revers de la médaille : la Chambre des députés va décréter que je dois relever la colonne Vendôme à mes frais, cette idée est insensée. Si ce vote réussit nous sommes perdus, je serai peut-être obligé de m’exiler. »

Dès lors son obsession est de sauver ses biens et ses tableaux ; il est « aux cent coups », se lance dans des démarches judiciaires et multiplie les déplacements.

Et malgré tout, il continue à entretenir avec frénésie sa correspondance avec Mathilde, ainsi que l’idée de la faire venir, car il a trouvé sa « grande polissonne », sa « grande enjôleuse, un serpent, un vampire » qui le « dévorera comme une mouche ».

Courbet et la Commune (1870-1871)

BMB EST.FC.1695

Après la chute de Napoléon III, la République est proclamée le 4 septembre 1870. Dès le 6 septembre 1870, Courbet est élu président de la Commission des arts du gouvernement de la Défense nationale. Alors que Paris est bombardé par les Prussiens, Courbet protège les richesses des musées. Alors au sommet de sa gloire, il s’implique avec enthousiasme en politique.

Le 14 septembre 1870, il demande l’autorisation de « déboulonner » la colonne Vendôme, démolition qui survient le 16 mai 1871, à la fin de la Commune de Paris. Celle-ci est un mouvement insurrectionnel qui s’oppose à la capitulation et au gouvernement élu de Versailles. Elle est proclamée en mars 1871 et s’achève par la terrible répression des Versaillais lors de la Semaine sanglante (21 au 28 mai 1871).

Courbet est arrêté le 7 juin, emprisonné et jugé en conseil de guerre à Versailles. Il est condamné le 2 septembre 1871 pour sa participation à la destruction de la colonne Vendôme. Il reste en prison à Paris, à la prison de Sainte-Pélagie, et dans une clinique à Neuilly, où il est prisonnier sur parole.

Libéré le 1er mars 1872, son retour à la peinture est difficile : il lui est impossible d’exposer officiellement, seules les galeries privées lui sont ouvertes, pour un temps seulement. Il est devenu un paria, le symbole des excès des « Communards ». Il choisit de partir à Ornans en mai 1872.

Février : Une relation de couple ?

BMB 204183

Après plus de deux mois d’une intense correspondance, Gustave et Mathilde sont devenus très intimes. Leur dialogue est fait de reproches mutuels et de déclarations enflammées. La confiance s’est installée dans le « couple » ; Mathilde obtient que son Gustave lui envoie 100 francs, une somme importante (un timbre coûte 5 centimes), alors que lui-même se débat pour rétablir ses finances.

Elle flatte, elle promet, elle joue avec lui. Il s’ouvre sans pudeur, lui explique – entre autres - qu’il voudrait pour elle une partenaire féminine :

« Cette nuit en me branlant et songeant à toi, il m’arrivait toutes sortes d’idées. Je me disais [que] je voudrais avoir une femme dévouée, pour entourer de soins ma bien-aimée, qui la traitera comme une divinité de l’amour, qui lui ferait sa toilette, qui l’embrasserait, qui lui sucerait son con, ses tétons, tout le temps que je ne puis le faire moi-même »

Malgré des inquiétudes (il est jaloux) et des accusations (il la trouve bien égoïste), les liens ne sont pas rompus. Chacun compte sur l’autre.

Elle le convainc même, en mars, de lui envoyer un tableau qu’elle pourra se charger de vendre pour lui.

Mars : Retour à la peinture

BMB EST.FC.1697

Gustave s’est remis à peindre avec ardeur, grâce à plusieurs élèves qu’il fait venir dans son atelier d’Ornans, dont Cherubino Patà.

De ses lettres à Mathilde émerge un autoportrait sans filtre ; car en Courbet l’homme et l’artiste sont indissociables. Lorsqu’il écrit à Mathilde, il le fait en artiste conscient de son pouvoir. Elle évoque certains tableaux, elle se rêve en modèle.

S’il n’évoque pas directement ses tableaux, on ne peut s’empêcher de penser à L’Origine du monde, la toile qu’il a peinte en secret en 1866. 

En janvier il avait expliqué à Mathilde :

« Quand je te tiendrai mon chéri, sais-tu ce que je veux faire ? Je veux faire un portrait scrupuleux de ton grand con dans sa couleur merveilleuse, je veux le faire sur un panneau qui doublera ma boîte de peinture, je l’aurai toujours avec moi, il enchantera mes rêves, où que je sois, qu’il pleuve, ou que le ciel soit bleu, je l’aurai avec moi […] ».

Avril : Que de fantasmes !

BMB EST.FC.M.21

Gustave n’a pas eu l’initiative de cette correspondance. En revanche, il n’hésite pas à revisiter plusieurs de ses fantasmes sexuels qu’il soumet à Mathilde. Il lui raconte de manière très crue et complaisante plusieurs épisodes de sa vie sexuelle. Elle le suit avec entrain sur ce terrain scabreux, non sans opposer parfois une malicieuse résistance.

La lettre de Gustave du 24 avril est encore très imagée :

« Si tu savais, mon cher con, que de jouissances énormes tu as déjà provoquées en moi, c’est à n’y pas croire, si tu savais que de fois je t’ai baisée en imagination de toutes les façons et sous toutes les formes, tu en serais enorgueillie. »

Toutefois, au grand dépit de Mathilde, il repousse toujours leur rencontre, se contentant de leurs amours sur le papier.

Finalement, alerté par Cherubino Patà, il comprend que Mathilde ne lui versera aucun argent pour la vente du tableau qu’il lui a envoyé, et qu’elle n’est pas celle qu’elle prétend être. Pour écarter tout risque de scandale ou de chantage, il lui réclame ses lettres.

Il ne lui écrit plus après sa dernière lettre du 30 avril 1873.

Pour découvrir les lettres évoquées ici et la rupture entre les deux correspondants :

Exposition « Courbet, les lettres cachées – histoire d’un trésor retrouvé »

du 21 mars au 21 septembre 2025

Bibliothèque d’étude et de conservation

1 rue de la bibliothèque 25000 Besançon

Nos visites guidées et animations (infos et inscriptions)

A lire :

Gustave Courbet, Correspondance avec Mathilde

Collection Art et Artistes, Gallimard (prix 22.00 €)

Retour vers la page « Expositions virtuelles »

Retour vers la page d'accueil de Mémoire Vive

Ce site utilise des cookies techniques nécessaires à son bon fonctionnement. Ils ne contiennent aucune donnée personnelle et sont exemptés de consentements (Article 82 de la loi Informatique et Libertés).

Vous pouvez consulter la politique de confidentialité sur le lien ci-dessous.