« A la loupe » (2024)
Histoire naturelle des lépidoptères
"L’ordre des Lépidoptères comprend les insectes à ailes écailleuses, ou tout ce que l’on appelle vulgairement PAPILLONS. C’est celui qui fixe le plus généralement nos regards, parce que, à l’élégance des formes et à la facilité du vol, il réunit la beauté des dessins, l’éclat et la variété des couleurs." (Histoire naturelle des lépidoptères, tome premier, Généralités, pp. 1-2, BMB 233019)
La bibliothèque conserve en 18 volumes l’Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons de France, de Jean-Baptiste Godart, continuée par Philogène Auguste Joseph Duponchel. C'est l'un des ouvrages les plus complets sur les papillons de France : plus de 4000 espèces sont décrites à travers 7 600 pages de texte et plus de 500 planches coloriées. Cette somme est éditée à Paris de 1821 à 1844, par Crevot puis Méquignon-Marvis, rue de l'Ecole de médecine.
Les volumes de la bibliothèque présentent une belle unité : format in-octavo, reliure d'époque de demi-basane rouge, décor doré au dos, décor à froid dans leur longueur avec des végétaux (style romantique).
Godart (1775-1825) est l'un des rédacteurs de l’article sur les papillons dans l’Encyclopédie méthodique de Pierre André Latreille (voir le dictionnaire Histoire naturelle - insectes – papillons, tome IX, entomologie, 1819, conservé à la bibliothèque sous la cote 57262).
Ancien proviseur du lycée de Bonn, où il développe une belle collection de papillons, Godart s’installe à Paris pour sa retraite et commence la rédaction de son œuvre majeure : l'Histoire naturelle des lépidoptères. Il se consacre initialement aux espèces des environs de Paris, puis étend son étude aux papillons de toute la France.
Il meurt au cours de la tâche et son ami Duponchel (1774-1846) la mène à son terme. Militaire et entomologiste français, Duponchel est aussi l’auteur d’une Iconographie et histoire naturelle des Chenilles, que nous conservons non reliée à la bibliothèque (cotes 265715-265716).

L’Histoire Naturelle des lépidoptères est divisée en trois parties qui correspondent aux trois familles de la méthode de M. Latreille : les papillons Diurnes, Crépusculaires et Nocturnes. Deux tomes concernent les Diurnes, dix les Nocturnes et un seul les Crépusculaires, qui "ne volent que le soir ou le matin" (Tome troisième, p.2). Duponchel a ajouté quatre suppléments, ainsi qu’un Catalogue méthodique des lépidoptères d’Europe.
Les auteurs décrivent d'abord l'imago (ou "état parfait", complet, de l'insecte à métamorphoses) : les premières ailes puis les secondes, le corps et les antennes. Ils présentent ensuite la chenille et les plantes dont elle se nourrit, s'attardent enfin sur la chrysalide. Le vocabulaire pour dépeindre les couleurs des spécimens est particulièrement riche et varié : "vert-gai", "fauve", "jaune-incarnat", "ferrugineux", "vert-pomme", "noir-velouté", "brun-obscur", "bleu-violet", "vert-olive"...
"La description de chaque espèce est toujours faite d’après plusieurs individus des deux sexes, et accompagnée de renseignements historiques que nous avons obtenus par nos propres recherches, ou qui nous ont été communiqués par des amateurs aussi éclairés qu’obligeants." (Tome premier, Avant-propos, p. VI)
Jean-Baptiste Godart cite des contributeurs à Paris, Versailles, Chartres, Saint-Quentin, Valenciennes, Montpellier, Marseille, Genève…
Il donne aussi un grand nombre d'instructions sur "la chasse, la préparation, la conservation des papillons, et sur la manière de chercher et d'élever les chenilles". (Tome premier, p. 245).

Cette somme est richement illustrée : 547 gravures sur cuivre réalisées à partir de dessins d’après nature d'Antoine Charles Vauthier (1790-1879), Delarue et Paul Chrétien Duménil (1779-...), peintres d'histoire naturelle.
Les planches sont d’une grande précision et permettent de discerner des détails anatomiques : les poils sur le corselet et l’abdomen, les écailles sur les ailes de certains spécimens. Les papillons sont représentés en taille réelle, essentiellement les imagos. Chenilles et chrysalides sont plus rares. Les couleurs des exemplaires de la bibliothèque sont merveilleusement préservées.
Parmi les graveurs, citons Lanvin, Naquet, Sophie Sixdeniers, Auguste Duménil...
Voici quelques observations, parfois curieuses, sur différentes espèces.
DIURNES - PAPILLON FLAMBE
"Ce papillon a sans doute été nommé Flambé parce qu’il a des bandes noires, transverses, en forme de flammes."
"Il est très commun à l’Ile-Adam, à Montmorency, dans la forêt de Saint-Germain, à Versailles, à Marly, etc." (Tome premier, pp. 36-37)
DIURNES - PAPILLON MACHAON
"Le Machaon est très commun. Il paraît depuis le commencement de mai jusque vers la mi-juin, et ensuite depuis la fin de juillet jusqu’en septembre. Il fréquente les bois, les jardins, et surtout les champs de luzerne. On le prend sans peine lorsqu’il est reposé, particulièrement au coucher du soleil."
"Le fenouil, le peucédan à feuilles menues sont les plantes sur lesquelles on trouve le plus souvent cette chenille. Elle aime également la carotte sauvage et la carotte cultivée. Aussi les paysans de certaines contrées donnent-ils au papillon le nom de Grand-Carottier." (Tome premier, pp. 39-40)
DIURNES - VANESSE PAON DE JOUR
"Le Paon, ou l’Œil de Paon, est très aisé à reconnaître par les yeux de Paon, qu’il porte en-dessus, au nombre de quatre, un sur chaque aile, ce qui lui a fait donner le nom qu’il porte."
"Les bois, les champs de luzerne, les plates-bandes de nos jardins, sont les lieux où l’on prend cette espèce, au printemps, en été et en automne." (Tome premier, pp. 96-97)

DIURNES - NYMPHALE SYLVAIN-AZURE
"Cette espèce habite les bords des ruisseaux et des rivières. (…) Elle se laisse facilement approcher ; mais, si on la manque, elle passe sur la rive opposée à celle où elle était. Elle éclot vers la fin de juillet et au commencement d’août. On la trouve sur les bords de l’Ivette (Seine-et-Oise), et quelquefois à Versailles. Elle devient plus commune à mesure qu’on approche de Chartres."
"La chenille vit, suivant les auteurs, sur plusieurs sortes de chèvrefeuilles. Ne vivrait-elle pas aussi sur l'aulne ? Il est à remarquer que le Papillon se repose sur cet arbre de préférence à tout autre." (Tome premier, p. 120)

CREPUSCULAIRES - SPHINX DE L’HIPPOPHAE
"Le dessus des premières ailes est d’un gris légèrement bleuâtre, avec le bord postérieur plus sombre et précédé d’une bande d’un vert-olive-très-foncé. (…) Le dessus des secondes ailes est rose, avec deux bandes noires (…)."
"Dans le premier âge, ces chenilles sont d’un jaune-paille. Elles deviennent ensuite d’un vert-jaunâtre, puis d’un vert-pomme. Tout leur corps est alors pointillé de blanc, et présente de chaque côté une ligne de blanc-verdâtre, allant de la tête à la corne. Celle-ci est longue, un peu arquée, d’un noir-foncé en-dessus, orangée en-dessous (…). Les stigmates sont jaunes, cerclés de noir (...)."
"Elles construisent leur coque comme les chenilles des autres Sphinx, c’est-à-dire avec des feuilles et quelques brins de soie. Il faut les chercher depuis la mi-juillet jusqu’à la fin d’août, dès la pointe du jour, ou bien le soir à la lumière, car pendant la chaleur elles se tiennent si bien cachées sous les mousses ou sous les herbages qu’il est presque impossible de les découvrir. Elles vivent solitairement sur l’hippophaé ou argousier, arbrisseau épineux, très branchu, à feuilles blanchâtres, croissant spontanément sur nos côtes maritimes, très-commun en Suisse le long des ruisseaux et des torrents."
"cette espèce passe pour si rare qu’on la paie encore à Genève deux cents francs la pièce." (Tome troisième, pp. 173-177)

NOCTURNES - BOMBYX DU MURIER
"Il s’agit ici du bombyx dont la chenille est si connue parmi nous sous le nom de ver à soie. Cet insecte est originaire des provinces septentrionales de la Chine."
"Les feuilles du mûrier noir ou du mûrier blanc sont la seule nourriture de cette chenille dans les ateliers d’éducation (…)."
"C’est ordinairement en juin ou en juillet, selon la température, que la chenille se métamorphose. Sa coque, d’un tissu serré et très fin est ovale, jaune, et plus rarement d’un blanc-verdâtre ou d’un blanc-incarnat. (…) La soie incarnate est celle que les marchands estiment le plus, la soie jaune celle qu’ils estiment le moins." (Tome quatrième pp. 153-159)
Les 18 volumes de l'Histoire naturelle des papillons de France peuvent être consultés en salle de lecture de la bibliothèque.
A découvrir en ligne sur le site de la Biodiversity Heritage Library.
La bibliothèque possède d’autres beaux livres illustrés sur les papillons :

- La Métamorphose des insectes du Surinam de Maria Sibylla Merian, 1705, BMB 407. Il sera présenté l'hiver prochain dans le cadre des "1 heure/1 livre".
Découvrez le « à la loupe ».
- Papillons d’Europe, peints d’après nature par Ernst, gravés et coloriés sous sa direction…, 1779-1792, BMB 11241-11248.
- « Représentation au naturel de plusieurs insectes, tant d’Europe que des pays étrangers, … » de Claude-Nicolas Billerey, 1752, BMB Ms 474.
- « Notes pour servir à l’histoire des insectes, avec des figures coloriées, par A. J. C***. 1re partie : Chenilles et papillons. 1796 », BMB Ms 447.
Sources :
- Catalogue de l'exposition "Publier la Nature : l'Histoire naturelle du XVIe au XIXe siècle" (BMB 2020)
- Cordier Jean-Yves, "Histoire des noms français de papillon III : J.B. Godart"
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