« A la loupe » (2022)
L’histoire des cinémas de Besançon
Les débuts du cinéma à Besançon
Les Bisontins découvrent le cinéma pour la première fois le 6 mai 1896 : des séances de « photographies animées » ont lieu 6 fois par jour pendant quelques semaines à la maison Savoye (7 clos Saint-Amour), comme le relaie la presse.
L’année suivante, une salle de cinéma temporaire est installée au 4 rue Moncey. Un article du Petit Comtois du 21 mars 1897 mentionne le fait que les séances sont déjà sonorisées, via un accompagnement musical sur phonographe.

Une dizaine d’années plus tard, Besançon devient une ville de tournage : un journaliste de La Dépêche républicaine relate en effet, dans un reportage paru le 29 juillet 1908, le tournage de petits films pour la société Pathé dans la capitale comtoise.
L’article est très intéressant car l’auteur y révèle quelques « trucs » utilisés à cette époque en guise d’effets spéciaux (pour faire disparaître un personnage ou en rajeunir un autre par exemple) et rappelle à la toute dernière ligne que l’invention du cinématographe est due aux frères Auguste et Louis Lumière, originaires de Besançon.
Les frères Lumière
Même s'ils ont mis au point et montré au public leur invention (le cinématographe) à Lyon, les frères Auguste (1862-1954) et Louis (1864-1948) Lumière sont bien nés à Besançon !
Leur père, Antoine, était peintre et photographe. Il transmet cette passion de la photographie à ses deux fils, qui amélioreront les techniques photographiques de l'époque puis la technologie du cinématographe, aujourd'hui indissociable de leurs noms.
La ville de Besançon rend hommage aux deux illustres frères en 1936, en apposant notamment une plaque commémorative sur leur maison natale. Auguste et Louis Lumière font le voyage à Besançon pour l'occasion, comme en témoignent des photographies de l'époque.
Petite anecdote : au cours de sa carrière bisontine, Antoine Lumière aura un atelier de photographie au 59 rue des Granges. Adresse qui plus tard sera celle… du cinéma Central puis du cinéma Plazza Lumière !
Les premières salles de cinéma fixes
La première salle de cinéma fixe est créée à Besançon en 1910 : c’est l’Alca, rue des Chaprais. Né de la transformation de l’Alcazar (une salle de spectacles), il est composé de deux galeries et peut accueillir 1000 spectateurs.
Fin 1912, la salle des fêtes du Casino avenue Droz devient à son tour un cinéma, le Ciné-Excelsior. On possède quelques documents relatifs à la création de ce cinéma et à leur lecture, un fait nous interpelle : l’exploitant est un certain Firmin Lefèvre, agent général de la Chocolaterie Poulain !
Si le rapport entre cinéma et chocolat peut surprendre aujourd’hui, il faut savoir qu’à cette époque les Chocolats Poulain exploitaient plusieurs salles de cinéma en France et proposaient même des bons de réduction pour des places de cinéma dans leurs tablettes de chocolat.

D’autres cinémas voient le jour au cours des années 1910 à 1930. Certains sont exploités par des particuliers, comme le cinéma Central créé en 1914 dans l’ancienne abbaye des Dames de Battant au 59 rue des Granges et exploité par une veuve, Mme Griffiths.
D’autres sont gérés par des associations paroissiales, à l’exemple du Bousbo-cinéma au 37 rue Battant ou de L’Union des travailleurs au 13 rue Ronchaux.
Les salles de cinéma paroissiales proposent des films familiaux, grand public et parfois à caractère moralisateur.
Le but est de permettre aux classes les plus modestes de bénéficier d’un loisir en plein développement, tout en les éduquant par l’intermédiaire des films diffusés.

Le cinéma Le Building ouvre rue Proudhon en 1930. Les archives municipales ne possèdent malheureusement pas de documents relatifs à sa création, mais il est tout de même intéressant de savoir que la société des Chocolats Poulain souhaitait déjà créer un cinéma au même endroit en 1914, comme en témoigne ce très beau plan. On ne sait pas pourquoi ce premier projet n’a pas abouti, mais cela est très certainement lié à l’arrivée de la guerre.
Les années 1940 et 1950
La guerre n’interrompt pas l’activité cinématographique à Besançon, puisqu’un nouveau cinéma, le Paris, est inauguré place Pasteur le 10 décembre 1941.
Mais le grand changement de cette époque réside dans la création et le développement des ciné-clubs : à Besançon, l’Association franc-comtoise de culture (AFCC) propose de nombreuses rétrospectives aux amateurs du 7e art, agrémentées parfois de conférences et de rencontres avec des réalisateurs ou des critiques de cinéma.
Les quartiers bisontins disposent également de leurs propres ciné-clubs : à Palente par exemple, ces séances sont organisées au tout nouveau cinéma Lux (créé en 1959).
Pour le quartier de Montrapon, les cinéphiles peuvent se retrouver au Montjoye, ouvert en 1955.
La censure au cinéma
Dès les origines du cinéma, les autorités publiques ont souhaité protéger les spectateurs et surtout les enfants : c’est une époque où la moralité est très importante et où la violence et les crimes sont sévèrement réprimés. Comme pour le théâtre ou les spectacles forains, seuls les films conformes à la morale publique seront autorisés : les films violents, la représentation de scènes ou de figures criminelles réelles ou fictives sont rapidement interdits.
La censure est également très forte pendant les deux guerres mondiales : pendant la Première, les films violents sont toujours interdits pour des questions de protection de la jeunesse mais aussi pour maintenir le bon moral des soldats en convalescence à Besançon et des habitants.
Pendant la Seconde guerre mondiale, la censure touche les films étrangers (par exemple, les films américains sont interdits alors que la diffusion de films allemands est encouragée) mais permet aussi d’instrumentaliser le peuple, via les films de propagande. Les séances sont par ailleurs surveillées par l’occupant pour éviter des débordements.
Les années 1950 marquent le retour de la censure pour respect des « bonnes mœurs » : des contrôles sont faits pour vérifier l’âge des spectateurs, les films jugés contraires à la morale sont interdits… Une dimension politique s’ajoute parfois : les archives municipales possèdent ainsi des courriers d’associations religieuses ou politiques protestant contre la programmation de films remettant en cause leurs idées. De nombreux courriers émanent également de familles ou d’associations de familles protestant contre les dangers de certains films sur l’éducation et le devenir de leurs enfants.

Fait amusant : certains films qui ont fait scandale à une époque sont aujourd’hui considérés comme des classiques ou, au vu de leur sujet, pourraient sortir aujourd’hui sans provoquer le moindre remous….
A l’image des Liaisons dangereuses réalisé en 1959 par Roger Vadim avec Jeanne Moreau et Gérard Philipe dans les rôles principaux et qui a pourtant fait l’objet de plusieurs demandes d’interdiction de la part de particuliers ou d’associations bisontines.
L’arrivée de la télévision
Avec l’arrivée de la télévision, la fréquentation des salles de cinéma va baisser à partir de 1957. La démocratisation de la voiture va également causer la disparition progressive des écrans de quartier au profit des cinémas de centre-ville.
Les cinémas à taille unique se transforment pour devenir des établissements de plusieurs salles, de tailles variables. A Besançon, le cinéma Vox Grande rue devient un complexe de 4 salles en 1976 : la plus grande diffuse les grands succès, les trois autres (plus petites et en sous-sol) permettent de prolonger la diffusion de certains films ou de diversifier les programmes.
Les autres cinémas du centre-ville évoluent également : le Paris (place Pasteur) se divise en deux salles en 1980, le Building (rue Proudhon) en 1985.
Le cinéma Central rue des Granges devient en 1981 le Plazza, un complexe de 5 salles.
D’autre part, les cinémas de cette époque ont un fonctionnement différent de celui que nous connaissons de nos jours : les propriétaires sont en effet liés par contrat avec un distributeur, dont ils diffusent les films. Ainsi, le public peut voir les films produits par Gaumont au Paris, ceux de Pathé au Plazza et les films UGC au Vox et au Vauban. Le Building, en tant que cinéma indépendant, peut acheter ses films indifféremment auprès des trois distributeurs.
Le Styx (rue Battant) et le CG (rue Gambetta) sont également des cinémas indépendants mais d’un poids plus modeste et parviennent donc plus difficilement à se procurer des films pour leur programmation : ils doivent prendre les films dont personne ne veut, rediffuser d’anciens films ou s’orienter vers des genres spécifiques comme les westerns, les films pornographiques…
Des années 1980 aux années 2000
Le Théâtre de l’Espace est inauguré à Planoise en 1982.
Comme ce quartier ne possède pas de salle de cinéma, une programmation cinématographique y est proposée mais cette dernière est plutôt orientée art et essai.
En 1984, le Petit Kursaal est créé : il s’agit d’une salle de cinéma de type ciné-club gérée par une association.
Là aussi, la programmation est orientée art et essai mais propose également des rétrospectives thématiques permettant de redécouvrir des classiques du 7e art ou des films plus récents.
Malgré tout, cette période marque la fin des principaux cinémas : le Vauban ferme en 1985, le Paris en 1987.
Le Building disparaît quant à lui dans des circonstances tragiques : il diffuse le film La Dernière tentation du Christ de Martin Scorsese, qui provoque un énorme scandale. Le 2 octobre 1988, une bombe explose dans le cinéma, le détruisant entièrement et provoquant sa fermeture définitive.
Le Styx ferme en juin 1991, suite au décès de l’un de ses propriétaires. Le Vox et le Plazza (devenu Plazza Lumière en 1987) proposent leurs ultimes séances en 2003 et 2004, n’arrivant plus à survivre suite à l’apparition des cinémas Mégarama à Ecole-Valentin et Marché Beaux-Arts place de la Révolution, des multiplexes de plus d’une dizaine de salles.
Le seul cinéma bisontin survivant de cette époque et encore en activité de nos jours est le Victor Hugo (anciennement le CG).
Pour en savoir plus, vous pouvez emprunter le livre Histoires du cinéma à Besançon : 1895-1995 de Michèle Tatu et Denis Bépoix à la Bibliothèque d’étude et de conservation (cotes pour le prêt : 322173 ou 322174).
Testez vos connaissances avec un quiz sur le site de l'Est Républicain.
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