« A la loupe » (2017)
La crèche comtoise
1er acte : Un ange « j’annonce un mystère sur la terre »
Un berger « O vous que j’aperçois répondez moi sans contrainte et sans feinte qu’annoncez-vous aujourd’hui environ l’heure de minuit »
Les récits bibliques sont joués depuis des siècles pour permettre à la population de s’approprier ces histoires de Noël. La crèche de Saint François est souvent indiquée comme l’origine de ces crèches mais la pratique semble plus ancienne. De nombreux mystères étaient joués à Besançon dont celui de la Passion, où le suaire de Besançon jouait un rôle important.

La bibliothèque conserve une version manuscrite de La crèche comtoise, une copie soignée dans un petit carnet d’après l’édition imprimée de 1889 préfacée par Henri Bouchot, conservateur à la BNF. Cette version éditée est illustrée par Louis Androt, de son vrai nom Girollet, peintre décorateur handicapé, il restaure des tableaux dans sa chambre, atelier de la Butte.
Les bergers « la nouvelle est si belle qu’elle me ravit le cœur »

La Citadelle et les lieux bisontins sont présents dans le manuscrit, ancrant cette crèche dans la région. On retrouve plus loin les maisons traditionnelles de Battant avec la porte de la cave, la Madeleine, le palais de justice, le pont Battant et les quais. La version imprimée est moins illustrée de paysages locaux. Les personnages principaux s’expriment en patois tandis que les anges, les bergers et les notables (religieuse, avocat, coquette) répondent en français.

Comme dans la pastorale de Provence, la divulgation de la nouvelle de la naissance de l'enfant est faite par un couple qui se dispute, la Naitoure et Barbizier et un tiers, le compère. Barbizier représente les vignerons et le peuple en général. Il exprime leurs difficultés : pauvreté, famines, épidémies, mauvaises récoltes et dénonce les autres personnages qui incarnent des travers de la société. La Naitoure symbolise à la fois la nature et la mère nourricière.

Le manuscrit copie les dessins d’Androt mais aussi ceux de Luc Franceschi, fils du sculpteur Paul Franceschi. Ce dernier part en apprentissage dans l'atelier de François Rude. En 1848, de retour à Besançon, Paul Franceschi enseigne le dessin et la sculpture, écrit des poèmes et des comédies et réalise de nombreuses sculptures religieuses qui ornent les églises de la région. En 1875, il crée une crèche dont les représentations (théâtre de marionnettes) sont données dans une salle de la rue Granvelle, à Besançon et réservées aux bisontins aisés.

Le solitaire est un moine astrologue, frère Blaise
« Qui vient dans cette solitude,
Pour y troubler un pénitent
Qui nuit et jour s’appliquant à l’étude,
Dans sa cellule à l’esprit très content. »
« Permettez, mes enfants que j’aille consulter mes livres, et dans un instant, je reviendrai vous dire ce que cet astre signifie. »

2e acte : Le retour à l’étable est le lieu d’une scène de ménage entre Naitoure et Barbisier. Celle-ci accuse en effet son mari de rentrer ivre à l’houtau (la maison) et de la battre.
Le manuscrit est enluminé dans les marges comme un manuscrit médiéval, orné de fleurs et d’anges musiciens.

Barbizier rencontre ensuite les notables bisontins. L'avocat chante « Dans cet étable que Jésus est charmant qu’il est aimable dans son abaissement. Que d’attraits à la fois, non les palais des Rois n’ont rien de comparable aux beautés que je vois dans cet étable. »
Barbisier en profite pour lui demander comment obliger son voisin à lui payer son dû

Barbizier conduit Frère Danopio chez frère Blaise et se voit fermer la porte au nez puis rencontre le Magnin (chaudronnier ambulant, étameur, réparateur d´ustensiles de cuisine, qui passait de maison en maison) et le bat pour se venger de sa précédente humiliation.
C’est ici qu’on intercale ordinairement les scènes dites d’actualité, dans lesquelles ont fait paraitre les personnages reconnus dans la Cité comme originaux ou ridicules.

« Vive un ramoneur habile. C’est un charmant ouvrier. Toujours gai toujours docile. Ne demande qu’à travailler et gnif et gnaf et pif et paf… » Le ramoneur donne un coup dans l’estomac de Barbizier alors que la coquette meurt foudroyée.

La crèche se termine avec la procession des rois mages.
« Et aiprès, se vous êtes d’avis, nou irans ai la Madeleine entanre lou sermon que serai prôchie pa monsieu lou curie de… Aiprès y nous faurai olla au cllochie tocqua, souna, cairillouna toutes les clloches et peus nous irans vo passa lai prouchession générale. »
Suivent le sermon de la crèche en patois teinté de latin et la procession finale.

Retrouvez l'accent comtois dans Gallica (Archives de la parole)
Une vidéo sur le théâtre des manches à balai, spectacle en 1986, INA
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