« A la loupe » (2014)
Les manuscrits des Granvelle
Les Granvelle aimaient les livres. Ils ont acheté, reçu ou offert des manuscrits et des imprimés. Ces hommes politiques de premier plan, au service de l’Empire et de l’Espagne, constituent leur collection sur le modèle des bibliothèques des princes de la Renaissance.
Les manuscrits médiévaux enluminés, français et italiens, sont parmi les pièces les plus prestigieuses. Ici, un recueil de traités philosophiques et moraux de la « librairie » de Charles V de France (1372), destiné à l’éducation des princes.
Manuscrits français (XIIIe – XIVe s.)

En 1373, le même Charles V fait traduire du latin en français les Chroniques de Burgos. Le second volume de cette histoire du monde depuis la création jusqu’au XIVe s. est illustrée par dix enluminures, réalisées à Paris vers 1400.
Dans cette miniature, plusieurs épisodes d’une même histoire sont juxtaposés, ce qui est inhabituel. Ils racontent une légende populaire allemande : à partir du résumé ci-dessous, saurez-vous retrouver à quel film de Walt Disney elle correspond ?*
* réponse au bas de la page.

L’empereur d’Allemagne Conrad II ordonne la mort du fils d’un de ses vassaux dont il a rêvé qu’il lui succéderait ; l’enfant est enlevé par des tueurs qui le prennent en pitié et l’abandonnent en forêt ; les tueurs présentent à Conrad le cœur d’un lièvre pour lui prouver qu’ils ont tué l’enfant ; le duc Henri découvre l’enfant abandonné.

Autre manuscrit réalisé à Paris pour la cour royale, entre 1400 et 1425, les Chroniques de Froissart. Le libraire Pierre de Liffol fait travailler les mêmes copistes et les deux mêmes enlumineurs pour une série de manuscrits de format identique.
Le premier possesseur du Froissart de Besançon est inconnu : les armoiries peintes dans la lettrine ont été grattées.

On conserve plus de 150 manuscrits de ce best-seller médiéval, qui raconte la première partie de la guerre de Cent Ans (1337-1453).
Froissart écrit, complète et révise ses quatre livres de Chroniques pendant une trentaine d’années jusqu’à sa mort en 1404. Il rencontre les témoins et acteurs des conflits, et recueille de nombreux témoignages.

Le Persan Avicenne écrit son encyclopédie de médecine en arabe vers l’an mille. Du XIIe au XVIIe s., elle sert de base pour la médecine en Europe sous le nom de « Canon de la médecine ».
Dans ce manuscrit du XIIIe siècle, les lettrines enluminées contiennent des scènes de consultations médicales ou d’opérations chirurgicales. Ici, un médecin discute avec deux femmes portant des corbeilles remplies de plantes médicinales.
Manuscrits italiens (XVe s.)

Salluste est un contemporain de Jules César. Historien apprécié à son époque, il continue à être lu au Moyen Âge et son succès perdure à la Renaissance.
Ce manuscrit a été réalisé pour la cour des rois aragonais de Naples entre 1480 et 1494, dans l’atelier de Cristoforo Majorana. Cet enlumineur aime peindre des « putti » (angelots) renfrognés et des paysages rocheux où s’ébattent de petits satyres tout aussi renfrognés.
Les armoiries du commanditaire ne sont pas identifiées (d’or au lion rampant d’azur, armé et lampassé de gueules).

Lactance (250-325), le « Cicéron chrétien », vit à la cour de Constantin. Ses Institutions divines veulent démontrer que le polythéisme est indéfendable et que la raison oblige à admettre la doctrine et la morale chrétiennes.

Ce manuscrit de Lactance porte au bas du premier feuillet, très frotté, les armes des rois aragonais de Naples (écu écartelé aux armes d’Aragon, de Hongrie, de France et de Jérusalem), et dans l’encadrement les emblèmes adoptés par Alphonse V d’Aragon et que reprendront ses successeurs (trône en feu, livre ouvert, gerbe de millet).

Le manuscrit a perdu sa reliure dès le XVIe siècle et il a reçu une simple reliure en vélin au XVIIe siècle ; il ne porte que l’ex-libris «Granvelle .C. de Cantecroy» sur la garde supérieure : on peut supposer que l’ouvrage ne vient pas d’Antoine de Granvelle mais de son neveu François Perrenot de Granvelle, comte de Cantecroix, qui l’a acquis lors de son séjour en Italie.

Les manuscrits italiens du XVe siècle ont un premier feuillet richement décoré, puis laissent le texte se dérouler dans la pureté de sa calligraphie, la littera antiqua, écriture humanistique.
Les débuts de chapitres ou de livres sont simplement ponctués par une lettrine ornée (ici un M avec un délicat entrelacs floral et des papillons) et par l’incipit à l’encre rose.
D'autres manuscrits italiens de la collection Granvelle

D'autres manuscrits français de la collection Granvelle


Exposition du 14 juin au 5 octobre 2014 au Musée du Temps.
Collections Granvelle sur Mémoire vive :
* Réponse : Blanche-Neige
On retrouve les deux chasseurs envoyés par la reine pour la tuer dans la forêt, qui l’épargnent et ramènent un coeur d’animal à la reine à la place du coeur de la jeune fille.