« A la loupe » (2011)
Les Volcans d'Hamilton
Cette gravure coloriée représente l’éruption du Vésuve en 1779. L’image a eu beaucoup de succès auprès des lecteurs de Hamilton ; elle a rendu populaire l’étude des volcans dans l’Europe de la fin du XVIIIe siècle. Le jeu des couleurs illustre la beauté de la Nature. Les personnes au premier plan expriment leur peur des volcans, qui sont associés à la colère divine dans la tradition populaire de l’époque.

Le lendemain matin, le Vésuve est coiffé d’un panache de fumée de plusieurs kilomètres de hauteur. La vue est dessinée depuis l’ambassade d’Angleterre à Naples, où William Hamilton est ambassadeur de 1764 à 1800. Ce sont les éruptions auxquelles il a assisté qui ont décidé de sa vocation de volcanologue. Cette profession n’existe pas encore, puisqu’il est un pionnier de cette discipline : c’est un amateur éclairé, comme bien d’autres savants de l’époque des Lumières.

Naples est à cette époque la capitale du Royaume des Deux-Siciles, qui comprend la Sicile et le Sud de l’Italie jusqu’à Naples. C’est aussi une capitale culturelle européenne. La ville commence à attirer les premiers « touristes », des aristocrates européens qui font le « tour » d’Europe. Lorsqu’ils sont à Naples, ils s’adressent à William Hamilton pour organiser une excursion au Vésuve. En souvenir, ils achètent des « gouaches napolitaines », inspirées des planches du livre de Hamilton (exemple dans le Ms Pâris 26).

Le roi de Naples et sa cour viennent admirer une coulée de lave, commentée par Hamilton. Celui-ci accompagne aussi des confrères scientifiques sur les pentes du Vésuve, comme le Suisse Saussure, qui en fait le récit dans sa correspondance : « Nous avons passé ensemble douze journées à parcourir le Vésuve et les environs de Naples, et il a eu ainsi la complaisance de me faire jouir dans ce peu de temps du fruit d’un travail de sept ou huit années. » (1773).
Source : VAJ, Daniela ; BUYSSENS, Danielle. « Le Savant [genevois], l’Ambassadeur [anglais] et les Volcans [italiens] en 1773. » Genève : Bibliothèque de Genève , 1999.

Le livre sur les volcans est publié en 1776 : les textes sont des articles ou lettres envoyées à la Société Royale de Londres de 1766 à 1770, et les illustrations sont dessinées et gravées par Pierre Fabris. Il s’agit de prouver par l’image les théories développées par l’auteur, car il fonde son raisonnement sur ses observations. La publication de 1776 comporte 54 planches, auxquelles viennent s’ajouter les 4 planches du supplément paru en 1779. L’éruption du Vésuve en 1779 parut trop belle à Hamilton pour ne pas mériter ce supplément. Coïncidence : elle survient 1700 ans après celle qui a détruit Pompéi, en 79.

Le temple d’Isis à Pompéi est ici en cours de dégagement. Les savants et les artistes se passionnent pour les vestiges antiques mis à jour par les fouilles archéologiques à partir de 1748 (1738 pour Herculanum). Ces fouilles permettent de redécouvrir l’art antique, et influent directement sur le néo-classicisme et les objets décoratifs de l’époque : ameublement, tapisseries, tables ou encore tasses à thé. Hamilton lui-même collectionne les vases antiques : il publie un autre livre somptueux sur cette collection en 1766. L’architecte Pierre-Adrien Pâris posséde deux éditions de ce livre (Cote BM 12447 (1-20 et 65-82) et 577), qu’il utilise pour créer les décorations intérieures d’hôtels particuliers.

Hamilton gravit de nombreuses fois le Vésuve afin de recueillir des échantillons et de rassembler des observations de première main. On trouve ici un morceau de mur peint antique, au milieu d’autres pierres volcaniques. Les théories de Hamilton sur la formation des volcans sont pleines de justesse et d’intuitions fécondes, mais elles paraissent trop neuves au Français Desmarest, pourtant un autre pionnier de la volcanologie. Hamilton explique par exemple la forme conique des volcans par l’accumulation des projections de cendres ou de laves : « ... si je devais établir un système, ce serait que les montagnes sont produites par les Volcans, & non les Volcans par les montagnes ».
Sur cette controverse, voir l’article en ligne : TAYLOR, Kenneth L. « Un commentaire inédit sur les observations et les idées de William Hamilton (1730-1803) relatives aux phénomènes volcaniques de la région de Naples », dans les Travaux du Comité français d'Histoire de la Géologie, 2001, p. 1-35. Disponible sur Internet : http://www.annales.org/archives/cofrhigeo/hamilton.html.

Le titre du livre, les Champs Phlégréens (Campi Phlegraei, ou champs brûlants), désigne la région au Nord de Naples : elle comporte beaucoup d’anciens cratères, parfois inondés, mais identifiés en tant de tels par Hamilton. Il se représente ici en tunique rouge, avec la longue-vue. La région était célèbre à l’époque pour ses phénomènes inexpliqués : on savait que le niveau de son sol variait, car les colonnes du temple antique de Pouzzoles présentaient des coquillages à leur base. C’est encore le cas aujourd’hui : le sol est monté de 2 m depuis 1970. On y avait aussi observé l’apparition étonnante d’un nouveau volcan en 1538, le Monte Nuovo (130 m de haut). Enfin, ce sont les sources chaudes que les colons grecs de l’Antiquité avaient retenues pour nommer les champs phlégréens : phlégréen vient du grec « brûlant » (et Naples de Néapolis, « nouvelle ville » en 475 av. JC).

Ce livre a rendu célèbre William Hamilton dans toute l’Europe. Lorsque le Bisontin Pierre-Adrien Pâris réside en Italie en 1816, il réalise une copie manuscrite du livre, illustrée de gouaches de sa main (Ms Pâris 26 : vues 18, 34 et 76). Pâris n’a sans doute pas eu l’occasion d’acheter ce livre luxueux, tiré à environ 200 exemplaires, avec des gravures coloriées à la main. Il a pourtant constitué une belle collection de livres et de dessins, qu’il lègue à la bibliothèque municipale à sa mort en 1819. La bibliothèque l’achète en 2007, avec l’aide des Amis des Musées et des Bibliothèques.
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