« A la loupe » (2018)
Pontifical, graduel et sacramentaire
Les collections bisontines regorgent de livres enluminés, richement décorés que nous présentons régulièrement. Toutefois certains manuscrits, plus anciens et plus discrets, sont d’une grande importance. Besançon est en effet une ville gallo-romaine puis le siège de l’évêché à la fin de l’Empire Romain. Au XIe siècle, le diocèse de Besançon organise une réforme liturgique importante, conduite par l'évêque Hugues de Salins et fait réaliser différents ouvrages pour les offices, dans la Cathédrale et les autres églises du diocèse. A cette époque, la région est attachée à l'Empire Germanique. L'activité liturgique d'Hugues est une manière d'affirmer son pouvoir épiscopal.
L'image à la loupe : Ms 79 Graduale Bisuntinum, notatum (XIe siècle)
Le pontifical

Certains de ces livres ont connu une histoire mouvementée. Le Pontifical de l'archevêque Hugues de Salins a voyagé avant d’être déposé dans les collections bisontines. Bernard de Vregille, historien chercheur, présente en janvier 1976 ce manuscrit retrouvé. L'évêque de Tours a souhaité mettre en place une liturgie sur le modèle bisontin et s'est fait envoyer une copie du Pontifical d'Hugues de Salins. Celle-ci a été soustraite aux collections de la cathédrale de Tours à la Révolution française. Alexis Monteil, qui l’a fait relier, le vend finalement à un collectionneur anglais. Cette collection est dispersée en 1976, ce qui permet à la bibliothèque de Besançon d’acquérir le manuscrit qui reste la seule trace de cette liturgie, l'original ayant disparu entre temps.
L'image à la loupe : Présentation du Pontifical de Hugues de Salins

Le Pontifical est un livre réalisé pour l’évêque, aussi appelé pontife (aujourd’hui terme utilisé pour le pape, souverain pontife). Il contient les différentes prières et l’ordre des cérémonies que l’évêque doit célébrer dont l’ordination, la confirmation, le sacre. L'écriture est grande et lisible, pour que l'évêque puisse présider facilement l'office. Hugues de Salins a été archevêque de Besançon pendant 35 ans (1031-1066), homme de confiance de l'empereur allemand, Henri III et légat du pape Nicolas II.

Parmi les rituels propres à l’évêque, l’anathème. Véronique Beaulande-Barraud nous l'explique : « Il se caractérise par une formule litanique associant exclusion de l’Église (excommunication) et malédiction. La formule copiée dans le pontifical correspond à un modèle connu depuis le Xe siècle, maudissant l’auteur de méfaits envers l’Église qu’il soit à la ville ou au champ, dans sa maison ou hors de sa maison, maudissant le fruit de son ventre comme le fruit de sa terre ! La formule achevée, l’évêque et les prêtres qui l’entourent jettent à terre la chandelle qu’ils tenaient allumée, et demandent à Dieu d’éteindre dans les cieux la lumière du coupable, sauf s’il vient à résipiscence. Rituel solennel appelant à la fidélité envers l’Église, médiatrice indispensable entre Dieu et les hommes ».
Le sacramentaire

Ce manuscrit a probablement été réalisé pour les offices de l'abbaye de Lure (Haute-Saône) puis confié à l'église de la Madeleine à Besançon, à la fin du XIe siècle. Elise Vandel a mené en 2003 une analyse codicologique (de codex : livre) du manuscrit. Elle écrit : « Ce sacramentaire présente un parchemin de très bonne qualité, issue d'une préparation soignée qui confère au parchemin une teinte claire, presque blanche ». Les lettrines à rinceaux sont caractéristiques des manuscrits d'origines germaniques, sur le modèle de l'abbaye d’Echternach. A cette époque, le scriptorum d'Avranche en Normandie est un autre grand centre d'enluminures.
Le graduel

C'est un livre de chant, réalisé pour la chorale. Il suit l'année liturgique. Ce manuscrit comporte cinq lettres ornées. Dans le A, les rinceaux s'entrelacent et se rejoignent dans une palmette en franchissant la barre centrale de la lettre. Au folio 43 (l'image d'accueil du A la loupe), on lit « Resurrexi et adhuc tecum sum, alleluia » : c'est l'Introit de Pâques, qui introduit la célébration. Le R de la lettrine est orné de rinceaux à bourgeons.
L'évangéliaire

Cet évangéliaire était orné d'une plaque en ivoire, occupée par trois personnages.
Le Christ, debout sur un piédestal, pose les mains, en signe de bénédiction, sur les têtes d’un empereur et d’une impératrice, eux-mêmes placés sur une grande estrade. Le couple impérial désigne le Christ d’un même geste. Les inscriptions identifiant les personnages sont gravées dans le fond. Le couple impérial figure Romanos, fils de Constantin Porphyrogénète, et son épouse, Berthe qui reçut lors de son mariage en 944, le nom d'Eudoxie.
L'ivoire serait une œuvre des ateliers impériaux de Constantinople, entre 945 et 949, date de la mort d'Eudoxie. Il est conservé aujourd'hui à la BNF et la BM de Besançon conserve une copie en plâtre sur le manuscrit.
A la BNF : Plaque « Le Christ couronnant Romanos et Eudoxie »

Un évangéliaire propose des extraits de la Bible, lus lors de l'office. Dans le manuscrit 91, quelques intitulés sont en lettres capitales romaines mélangées d'onciales, lettres tracées en or sur bande peinte en pourpre violette et encadrée d'un filet vermillon.
Pour aller plus loin :
- Élise Vandel. Inventaire des manuscrits d'Hugues de Salins : treize livres liturgiques comtois du XIe siècle. 2 vol. (112, 32 f.) : ill. / Mémoire de DEA : histoire de l'art médiéval : Besançon : 2003.
- Bernard de Vregille. Hugues de Salins, Archevêque de Besançon, Cêtre édition, 1981.
- « A la loupe » Les Archevêques de Besancon
- D’autres pontificaux du XVe siècle, richement décorés : Ms 115-117, Ms 138 , Ms 157
Retour vers la page « A la loupe »
Retour vers la page d'accueil de Mémoire vive