« A la loupe » (2020)
Un président franc-comtois, Jules Grévy
Originaire du Jura, député de ce département, Jules Grévy est élu président de la République deux fois, en 1879 et en 1885.
Il contribue à stabiliser la situation et les institutions de la IIIe République, après la chute de Napoléon III.
Les années de jeunesse

Grévy naît le 15 août 1807 à Mont-sous-Vaudrey, au château de la Grangerie acquis par son grand-père, puis exploité par son père, Hyacinthe Grévy. Sa famille est républicaine. Il étudie aux collèges de Dole et de Poligny, puis poursuit ses humanités à Besançon. Il part ensuite à Paris pour suivre des cours de droit : il devient avocat en 1836.
De caractère conciliant, il maîtrise parfaitement l’art du compromis, et préfère la sobriété aux grandes envolées lyriques. Musset fait partie de ses clients, mais il est surtout habile dans les procès politiques : il défend à deux reprises le journal Le National.
L'entrée en politique

Après la révolution de février 1848, il est nommé commissaire de la République pour le département du Jura par le gouvernement provisoire de Ledru-Rollin : il dénoue les tensions entre les différents partisans (monarchistes d’un côté, républicains de l’autre). Il se présente aux élections pour l’Assemblée Constituante en avril 1848 et remporte largement le scrutin. Il devient vice-président de l’Assemblée en mai 1849.
L'opposition à Louis-Napoléon Bonaparte

Après les journées de juin 1848, quand l’insurrection ouvrière est écrasée dans le sang, il dénonce les mesures répressives : limitation de la liberté de la presse, poursuite des socialistes Louis Blanc et Caussidière suspectés d’avoir approuvé les journées de juin.
Il s’oppose à l’élection d’un président de la République au suffrage universel voulue par Lamartine, pressentant le risque d’un pouvoir personnel néfaste à la démocratie :
« Etes-vous bien sûr que dans cette série de personnages qui se succèderont tous les quatre ans au trône de la Présidence, il n’y aura que de purs républicains empressés d’en descendre ? Etes-vous sûr qu’il ne se trouvera jamais un ambitieux tenté de s’y perpétuer ? » (discours du 6 octobre 1848).
Il tente de contrer le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte en demandant que la force armée soit mise à la disposition de l’Assemblée nationale, en vain. Après le coup d’état du 2 décembre 1851, il se tient à l’écart de la vie politique et reprend son métier d’avocat.

En 1868, il est réélu lors d’une élection partielle dans le Jura. Il appartient au groupe de la gauche qui s’oppose régulièrement à l’Empereur. Après la chute de celui-ci et la proclamation de la IIIe République, il est partisan d’une solution pacifique face aux Prussiens.
En 1871, il est élu à la présidence de la Chambre, mais démissionne en 1873 pour s’opposer à « l’ordre moral » que veulent instaurer Mac-Mahon et le duc de Broglie. Il reprend alors son siège de simple député. Mais il est réélu président de la Chambre en 1877 : la majorité est repassée du côté de la gauche républicaine. La majorité du Sénat bascule aussi à gauche.
Election de Jules Grévy à la présidence de la République, le 30 janvier 1879

Mac Mahon démissionne en 1879, et Grévy lui succède alors comme président de la République, à l’âge de 72 ans. Le président de la République est alors élu par les deux Chambres, et non plus au suffrage universel.

La presse franc-comtoise se fait l'écho de la réussite de l'enfant du pays.
Ses réalisations

Il fait voter une loi d’amnistie en faveur des Communards. En 1881, des lois sont votées sur la liberté de réunion et sur la liberté de la presse. En 1882, les lois scolaires établissent l’enseignement primaire, laïc, gratuit et obligatoire pour tous les enf-ants de 6 à 13 ans.
De manière générale, il laisse un grand pouvoir à l’Assemblée nationale – où il a siégé auparavant – et ne met pas en avant le pouvoir exécutif. Il s’oppose à l’expansion coloniale voulue par Gambetta, et se montre pacifiste, refusant de céder au désir de revanche face à l’Allemagne.
Les funérailles de Victor Hugo au Panthéon

Il organise les funérailles de Victor Hugo au Panthéon (1er juin 1885), rendant à ce lieu sa vocation de temple républicain qu’il avait perdue sous Napoléon III.
La fin d’une carrière politique

En 1885, Grévy est réélu mais 2 ans plus tard, en 1887, son gendre Daniel Wilson est compromis dans un trafic de décorations (ventes de nominations dans l’ordre de la Légion d’honneur) : le scandale entraîne la démission de Grévy qui se retrouve à la retraite. Wilson est finalement acquitté en 1888. Grévy se retire à Mont-sous-Vaudrey où il meurt le 9 septembre 1891.
Pour aller plus loin :
Pierre Jeambrun. Jules Grévy ou la République debout, Paris, Tallandier, 1991
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