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 « A la loupe » (2023)   

Les partitions du théâtre municipal

Le XIXe siècle est considéré comme l’âge d’or de l’opéra lyrique. Les nombreuses représentations d’opéras foisonnent dans les programmations des théâtres de France. Celui de Besançon, le théâtre Ledoux, rénové à partir de 1857 dans un style Second Empire, n’y échappe pas. 

Les Archives municipales conservent plus d’une centaine d’ensembles de partitions, renseignant sur le répertoire et la programmation de l’établissement : opéras-comiques, grands opéras, opéras bouffes, opérettes, ballets, opéras féeries, œuvres liturgiques, folies musicales ou encore saynètes lyriques, caractérisent les genres de représentations programmés à cette époque. 

Composition et caractéristiques des partitions musicales

Conducteur du chef d’orchestre de l’opéra-comique "Un concert à la cour", 1824 - 2R205

Chaque ensemble de partitions est composé d’un conducteur et de ses parties musicales. Le conducteur est le livret du chef d’orchestre, permettant la direction de la représentation de l’œuvre. Il recense l’ensemble des parties musicales de l’orchestre. À l’intérieur, les instruments sont rangés, de haut en bas, par familles, dans l’ordre suivant : bois, cuivres, percussions, cordes.

Partie musicale imprimée du grand-opéra "La Favorite" (grande flûte), 1840 - 2R352

Les parties musicales sont les livrets appartenant à chaque musicien de l’orchestre, selon l’instrument joué. Celles-ci peuvent être manuscrites ou imprimées. Propres à chaque instrument, elles comportent les notes et la transcription de l’œuvre, la hauteur, la durée, l’intensité et le timbre du jeu musical. Souvent, elles étaient louées par un orchestre, le temps de la période de représentation. Les partitions imprimées sont, en général, la propriété d’agences théâtrales de location de partitions. À l’inverse, les partitions manuscrites appartiennent à l’orchestre ou aux musiciens.  

Parties musicales du Grand opéra "Il Trovatore" (viola) avec annotations musicales en italien - 2R368

Si la grande majorité des opéras lyriques conservés sont français, une œuvre italienne attire l’attention : Il Trovatore de Guiseppe Verdi

Jouée à Besançon en 1931, les partitions de cet opéra sont intégralement écrites en italien, preuve de la diversité des représentations du théâtre et du chemin parcouru par ces documents. 

Partitions musicales mentionnant des dates de représentations à Besançon du grand opéra "Les Huguenots" (Timbales et bassons) - 2R344

D’autres opéras ont connu un destin particulier. C’est le cas du grand opéra Les Huguenots. Considéré comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’opéra français au XIXe siècle, l’œuvre de Giacomo Meyerbeer connaît un certain déclin au XXe siècle. En effet, les contraintes techniques de représentation et la montée de l’antisémitisme en Europe (Giacomo Meyerbeer étant d’origine juive) font que l’opéra est moins joué à partir de la fin du XIXe siècle. Il connaît une censure progressive après la Première Guerre mondiale, jusqu’à être interdit de représentation par le régime nazi. 

Néanmoins, les nombreuses signatures et dates de représentations renseignées, sur les parties, par les musiciens, montrent que le théâtre municipal Ledoux et le théâtre du casino Besançon-Mouillère programment Les Huguenots à de nombreuses reprises entre 1899 et 1924.

Tampon d’Armeli Goud, Chef d’Orchestre au théâtre municipal de Besançon - 2R295

Les partitions du théâtre municipal portent, pour une majorité d’entre-elles, le tampon du chef d’orchestre de l’établissement. Nombreuses sont celles à être tamponnées avec la mention : « A. Goud Chef d’Orchestre ». Armeli Goud (1835-1903) fut professeur de musique avant de devenir chef d’orchestre au théâtre municipal pendant plus de trente-cinq années. Reconnu pour son talent artistique et ses qualités humaines par la presse spécialisée et régionale, Armeli Goud a donné d’innombrables représentations musicales d’opéras lyriques sur sa période de direction.  

Certaines partitions renseignent également sur d’autres chefs d’orchestre du théâtre municipal bisontin comme Henri Meylan, chef d’orchestre de l’établissement dans les années 1920, et Jacques Basset qui occupe la même fonction entre 1929-1931. 

Des partitions musicales comme journaux de bord des musiciens  

Partition extraite de l’opérette "Le Songe d’une nuit d’été" (flûte) comportant des annotations musicales - 2R422

L’invention du crayon à papier, en 1795, par le chimiste français Nicolas Jacques Conté, et sa diffusion permettent aux musiciens d’annoter leurs partitions. Désormais ils peuvent gommer et réajuster certaines notes si besoin. À l’intérieur des parties musicales se cachent, bien souvent, diverses annotations écrites par ces derniers. Celles-ci sont d’abord musicales. 

Signatures et noms de musiciens, dates de représentations annotés sur l’une des partitions de l’opéra "Le Barbier de Séville" (1er violon – 3ème pupitre) - 2R387

Aussi, certaines annotations renseignent sur l’histoire de l’orchestre. Ces documents deviennent de véritables journaux de bord. La tradition, encore respectée aujourd’hui, veut que les musiciens inscrivent leur nom, éventuellement une date, et signent leur partition. Les orchestres, bien qu’affiliés à un théâtre, sont itinérants et donnent plusieurs représentations dans d’autres villes. 

Certaines parties musicales documentent des représentations dans plusieurs villes de France, voire d’Europe (Bruxelles, Lausanne, Baden, Bologne ou encore Maastricht). Le fonds des Archives municipales se révèle donc utile pour une histoire de la circulation des artistes et des œuvres. 

Signatures et noms de musiciens, dates de représentations annotés sur l’une des partitions de l’opéra "Le Barbier de Séville" (Trompette) - 2R388

Annotation humoristique d’un musicien donnant son avis sur la représentation musicale, partition "Les Noces de Jeannette" (Trombone/basse) - 2R280

Quelques musiciens ajoutent quelques mots de sympathie pour des collègues. Certains n’hésitent pas à donner leur avis sur l’œuvre jouée, dans un esprit subtil. L’un des trombonistes jouant l’opéra Les Noces de Jeannette écrit par exemple sur sa partition : « Si j’étais auteur de cette musique, je défendrais personnellement qu’il y soit fait aucune coupure ce qui défigure complètement un ouvrage ». Un autre tromboniste ajoute ensuite en dessous, non sans humour : « Sous peine de procès ». 

Salutations entre collègues musiciens, partition "Le Barbier de Séville" (Clarinette) - 2R387

Quelques-uns mettent par écrit leurs doléances contre le chef d’orchestre quand d’autres renseignent du succès d’une représentation. Ainsi, dans l’une des partitions, un musicien se plaint de ses conditions de travail et écrit, le 25 mai 1900 à Troyes : « 50 jours de répétitions et de représentations sans un jour de congé ». On y trouve aussi des indications quant à la réception d’une œuvre par le public. Dans l’une des partitions de l’opéra L’Éclair est écrit : « À Mons, très grand succès ». 

La sensibilité artistique des musiciens ressort également et s’illustre par de nombreux dessins et croquis. Autoportraits, portraits, caricatures, rébus illustrés ou encore représentations d’animaux et d’objets en tout genre égayent les pages des partitions.

Lettre d’autorisation du Général Pierron, Commandant le 7ème Corps d’Armée, 1897 - 1R15

Il est fréquent de trouver, parmi les membres de l’orchestre, des musiciens issus de divers corps de l’armée. Certains au moment de signer leurs partitions mentionnent le régiment dont ils font partie. Il est régulier de trouver des mentions de musiciens provenant par exemple du régiment d’artillerie de marine, du régiment fantassin à cheval, du régiment de ligne ou encore de l’école d’artillerie de Besançon.

Ces soldats musiciens devaient demander l’autorisation officielle à leur hiérarchie pour intégrer un orchestre. 

Partitions du théâtre du casino Besançon-Mouillère  

Partition musicale du théâtre du casino Besançon-Mouillère, avec le tampon du chef d’orchestre Henri Meylan - 2R453

Le théâtre du casino Besançon-Mouillère est un édifice appartenant à l’ancien établissement thermal d’appellation « Besançon-les-Bains ». Le thermalisme étant en vogue au XIXe siècle, dans les régions de l’est de la France, la ville entreprend la construction de plusieurs édifices entre 1891 et 1896 (casino, salle de spectacles, Kursaal, syndicat d’initiative ) et porte une politique importante en ce sens, le tout dans un contexte d’accès aux loisirs. 

Partition musicale tamponnée du théâtre du casino Besançon-Mouillère, José Marcos Lucchesi, "La Samba d’amour" - 2R459

La grande salle du casino peut accueillir de nombreuses représentations. La programmation musicale comprend des danses diverses, fox-trot, saynètes dramatiques, musiques traditionnelles… autant de spectacles faisant partie intégrante de la programmation culturelle bisontine. L’établissement voit aussi se produire quelques opéras au début du XXe siècle. En effet, le chef d’orchestre du théâtre du casino est le même que celui du théâtre municipal. Quelques rares tampons figurent sur ces partitions, donnant des renseignements sur les musiciens ayant joué certaines de ces compositions. 

Tristan Muret

Sources :

Archives municipales de Besançon : 

Jean Chantavoine, Cent opéras célèbres, Paris, Éd. Le bon plaisir, 1948, BM 600297.2  

Jean-Noël Crocq, Fosses notes : une autre histoire de l’Opéra, Paris, Éd. Premières loges, 2020

Direction du théâtre de Besançon, Besançon, Imprimerie Charles Deis, 1834, BM 255357  

Remy Campos & Aurélien Poidevin, La scène lyrique autour de 1900, Paris, Éd. L’œil d’or, 2011

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